Ours dans les Pyrénées, pas question de céder à la pression des éleveurs, l'ourse Franska restera libre selon Nathalie Kosciusko-Morizet. Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, s'est rendue jeudi 26 juillet 2007 à Toulouse pour rencontrer, à la préfecture de région, les élus, les professionnels et les membres d'association représentatifs des départements pyrénéens concernés par le programme de réintroduction de l'ours brun. L'objectif était « d'écouter, comprendre et surtout renouer le dialogue avec l'Etat. »
La seconde ourse en provenance de Slovénie, Franska, avait été relâchée à 10h09 le 28 avril 2006 sur la commune de Bagnères-de-Bigorre dans les Hautes Pyrénées. Cette ourse de 110 Kg, que l'on croyait âgée de 6 ans, avait été baptisée par les Slovènes du nom de Franska pour France. L'ourse Franska a en réalité âgée de 17 ans, ce qui ne l'empêcherait pas de pouvoir procréer. Les éleveurs accusent cette ourse slovène de nombreux dégâts et de l'attaque d'une centaine de brebis.
De leur côté, les anti-ours se sont dits déçus par le ministère de l'Ecologie. Les éleveurs opposés à la présence de l'ours dans les Pyrénées se sont déclarés déçus de n'avoir obtenu « aucune réponse » de la secrétaire d'Etat Nathalie Kosciusko-Morizet. Ils estiment que les autorités ont « sous-estimé ce qui s'est passé sur le terrain », a notamment déclaré Philippe Lacube, l'un des leaders des anti-ours pyrénéens.
Selon Nathalie Kosciusko-Morizet, « le plan de restauration des populations de plantigrades et de développement du pastoralisme est en cours de mise en 'uvre. Il suscite des réactions dont j'ai voulu prendre la pleine mesure au plus près du terrain. »
Ce plan de réintroduction de l'ours brun dans les Pyrénées « s'inscrit dans le cadre des engagements européens et internationaux de la France en faveur de la biodiversité. »
Nathalie Kosciusko-Morizet, qui souhaite « une coexistence harmonieuse entre les ours et les activités humaines, (dont) le pastoralisme » a proposé un certain nombre d'aménagement pour « ajuster et à optimiser » le plan de réintroduction de l'ours brun dans les Pyrénées, et « pour améliorer son efficacité et son acceptabilité. » Ces aménagements se déclinent en 5 principaux points :
1. Une évaluation rapide du plan : « Le plan de restauration de l'ours brun dans les Pyrénées s'étend sur les années 2006 à 2009. Compte tenu des difficultés actuellement rencontrées, j'ai proposé de lancer dès l'automne 2007 une évaluation à mi-parcours. Ce travail sera mené conjointement par les inspections générales de l'environnement et de l'agriculture. Cette évaluation portera sur les conséquences économiques et sociales de la présence de l'ours sur toutes les activités humaines : élevage, apiculture, sylviculture, tourisme, artisanat' »
« L'impact sur la faune sauvage et ses habitats sera également abordé. Je suis bien consciente que des études sont nécessaires pour démontrer qu'en France aussi les ours ont un impact positif sur la biodiversité. Les résultats du bilan seront présentés dès le premier trimestre 2008. Je demande que cette évaluation soit préparée et conduite dans la plus grande concertation avec les acteurs locaux. » Par ailleurs, Nathalie Kosciusko-Morizet veut créer un groupe national de concertation sur l'ours.
2. Une amélioration du protocole « ours à problèmes » : « Depuis de nombreuses années, se sont succédées plusieurs versions de protocoles d'intervention afin de gérer des situations aiguës de conflits. Ils ont été mis en 'uvre pour les ours Balou et Sarousse, notamment. » Le protocole actuel qualifie un animal d'ours à problèmes lorsqu'il ne fuit pas la présence de l'homme, lorsqu'il est agressif envers l'être humain, et lorsque l'ours fait des dégâts sur des troupeaux protégés.
« Face à un ours à problèmes, l'État a défini un ensemble de mesures à mettre en 'uvre : expertise de la situation ; création d'une cellule de gestion de crise ; effarouchement si nécessaire, voire équipement télémétrique ou même retrait de l'animal. Au regard de ce qui s'est passé pour l'ourse Franska, il n'est sans doute pas inutile de remettre à plat ce protocole, jugé par certains trop rigide, et qui doit laisser plus de place à la concertation et à la transparence. »
Parallèlement, Nathalie Kosciusko-Morizet demande une nouvelle expertise sur Franska en faisant appel à des spécialistes étrangers et indépendants, sous la responsabilité de l'équipe « ours » de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Ce sera Alain Sauvé qui coordonnera « les travaux sur la révision du protocole, » et une étude juridique sera menée sur la responsabilité des élus.
3. Une meilleure qualification de la zone de présence de l'ours : « Le massif des Pyrénées, grâce à ses forêts et à ses zones de calme, fournit un habitat favorable à l'ours brun. C'est le seul espace national où l'ours est encore présent , il faut en remercier les pyrénéens eux-mêmes. Le suivi radio-télémétrique a montré que le domaine vital des ours pouvait s'étendre sur plus de 100 000 hectares, en fonction de la disponibilité alimentaire. On sait aussi que les ours, qui sont des animaux solitaires, peuvent se déplacer sur de grandes distances lors du rut ou de l'hibernation. »
« La répartition géographique de la population ursine est donc difficile à figer. Sa coexistence avec les activités humaines se pose inévitablement ; elle peut se traduire par des prédations en zone d'élevage extensif, ou au contraire par un développement touristique et des retombées économiques sans précédent, comme on le voit dans le parc de Somiedo, qui utilise l'image de l'ours comme véritable marque pour assurer sa promotion. »
Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, peut-on « dire que dans telle zone la présence de l'ours est possible, et qu'au-delà elle ne l'est plus ? Si oui à quelles conditions ; si non pourquoi ? Quelles nouvelles politiques pastorale, apicole, forestière, touristique définir ensemble pour que la présence de ce grand prédateur soit tolérée, voire souhaitée ? En tous cas, ce sujet mérite qu'on s'y penche sérieusement et qu'on étudie toutes les pistes qui seront suggérées pour mieux qualifier la zone de présence des ours. »
4. Un renforcement du suivi des populations d'ours et du partage des informations : « L'équipe technique « ours » de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage fait un travail remarquable et apprécié sur le terrain et je tiens à leur rendre hommage. Le site Internet et les notes techniques sont largement utilisés, il faut s'en réjouir. Les ours introduits depuis 1996 ont été équipés d'un émetteur intra abdominal pour pouvoir être suivis et localisés. Il faut rendre plus performants ces équipements. Ils peuvent favoriser les recherches sur le comportement des ours, leur impact sur les activités humaines et la diversité biologique, travaux qui sont nombreux aux Etats-Unis, mais lacunaires en France. »
« Il faut surtout améliorer la communication sur la présence de l'ours auprès des éleveurs, de leurs bergers, des apiculteurs, des chasseurs, des maires pour répondre à leurs préoccupations légitimes. Nous nous devons de partager ces informations techniques avec les acteurs locaux quitte à en travailler le contenu pour le rendre accessible et opérationnel » a ajouté Nathalie Kosciusko-Morizet.
5. De nouvelles modalités de soutien au pastoralisme : « Un certain nombre d'aides ont déjà été mises en place pour soutenir le pastoralisme, qui subit de plein fouet les difficultés de la filière ovine. Le ministre de l'Agriculture et moi chargeons le préfet de région de faire des propositions de renforcement de l'aide à l'élevage, en étant à l'écoute de tous les acteurs de terrain. »
Nathalie Kosciusko-Morizet « souhaite que des mesures innovantes nous soient soumises, notamment autour de l'idée de la création d'un label ou d'une appellation d'origine contrôlée. »
La secrétaire d'Etat à l'Ecologie a ajouté qu'elle « veillerai personnellement à m'assurer d'une mise en 'uvre rapide de l'ensemble de ces points. L'étape de réintroduction des ours est aujourd'hui derrière nous, il nous reste désormais à rechercher les bases d'une cohabitation équilibrée entre les Hommes et les ours. »