En 2008, un groupe de travail de l'EFSA, (groupe de travail TTC) visant à permettre la mise sur le marché de substances chimiques toxiques sans aucun test toxicologique, a été mis sur pied, et ce, sans aucune évaluation en interne par l'EFSA ou encore par des évaluateurs externes. Une situation aberrante alors même que cela est contraire aux règles propres de l'EFSA.
Nous apprenons ainsi, que des documents, reçus par PAN-Europe, émanant de l'EFSA après une demande d'accès à ces documents, mettent en exergue que l'EFSA ' l'autorité européenne de sécurité alimentaire ' ne contrôle pas l'infiltration, par les industriels, du groupe de travail sur les substances chimiques.
Les documents en question révèlent que groupe de travail de l'EFSA sur le TTC (Seuil d'intérêt toxicologique) a été convoquée et organisée par Susan Barlow, une consultante anglaise du secteur privé de l'industrie et proche de longue date de l'industrie chimique finançant un groupe de pression nommé ILSI (International Life Sciences Institute).
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Pour PAN Europe et Générations Futures, l'EFSA est infiltrée par les lobbies de l'industrie chimique |
Les produits chimiques (pesticides, produits chimiques industriels et de consommation, médicaments...) sont devenus indispensables dans les secteurs d'activité de toute société. En étudiant les grands groupes auxquels appartiennent tous les produits chimiques ci-dessus cités, on constate aisément que la fabrication, la distribution, l'utilisation et l'élimination de ces produits peuvent entraîner des problèmes pour la santé et l'environnement. Les problèmes de santé sont liés à l'utilisation des pesticides dans le secteur agricole, mais de plus en plus dans les secteurs des industries de produits chimiques de consommation et de produits chimiques industriels. Les problèmes d'environnement eux sont liés à la pollution engendrée lors du processus de production, de manutention, de stockage, de transport et d'élimination.
Pour atteindre un niveau de développement durable, tant sur le plan agricole qu'industriel et un niveau élevé de protection de l'environnement et de la santé, les produits chimiques en général doivent être bien gérés. Pour ce faire, une étape importante dans le renforcement des systèmes nationaux pour la gestion des produits chimiques consiste en une évaluation très étendue des capacités nationales concernant les aspects juridique, institutionnel, administratif et technique de la gestion des produits chimiques.
Ainsi, depuis plus d'une décennie, plusieurs instruments juridiques internationaux concernant les aspects spécifiques de la gestion des produits chimiques ont été adoptés pour servir de guide aux pays membres. On peut citer entre autres :
· les directives de Londres à l'échange de renseignements sur les produits chimiques qui font l'objet du commerce international du PNUE (Version modifiée de 1988).
· le code international de conduite pour la distribution et l'utilisation des pesticides de la FAO (Version amendée de 1989).
· la convention du BIT de 1990 sur la sécurité des produits chimiques au travail (N° 170)
· la Convention du BIT de 1993 concernant la prévention des accidents industriels majeurs (N° 174)
· le protocole de MONTREAL relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone.
Susan Barlow, a convoqué elle-même ses propres membres pour ce groupe. Susan Barlow a travaillé pour l'ILSI sur le TTC, avant de travailler sur le même sujet à l'EFSA.
En ignorant ce conflit d'intérêts, l'EFSA bafoue ici ses propres règles qui disent que la procédure de sélection des experts doit être transparente et être appliquée de manière cohérente.
Or nous voyons bien que le processus de sélection des membres du groupe de travail TTC n'a été ni transparente ni conforme à la procédure des autres groupes scientifique de l'EFSA qui se caractérise par plusieurs étapes et l'implication du Conseil de gestion ainsi que des évaluateurs externes, puisque le président désigné 'Susan Barlow- a, comme cité avant, convoqué elle-même ses propres membres pour ce groupe.
Autre point d'interrogation, l'EFSA l'a laissée libre de nommer les membres de son réseau industriel au groupe de travail de l'EFSA. Elle a fait appel à : Corrado Galli (lié à l'industrie alimentaire et cosmétique), et "impliqué dans l'ILSI", à Giovanni Zapponi jugé "utile pour étudier la possibilité d'utiliser l'approche TTC", à Ursula Gundert-Rémy (liée à l'industrie alimentaire et cosmétique ; et conseiller de ILSI), qui a promu l'approche TTC comme une alternative à la tolérance zéro, et Andy Renwick qui a collaboré étroitement avec Ian Munro (président du groupe de défense des entreprises Cantox) dans le développement de la proposition initiale de l'ILSI sur l'approche TTC, peut on lire dans un communiqué de presse.
Pour le PAN Europe et Générations Futures : « l'EFSA est infiltrée par les lobbies de l'industrie ».
L'approche TTC a été développée dans le but d'évaluer qualitativement le risque présenté par des substances présentes à des niveaux faibles et très faibles et elle peut être utilisée pour l'évaluation initiale d'une substance afin de déterminer s'il est nécessaire de réaliser une évaluation complète des risques. Lorsque la structure chimique d'une substance est connue, le risque pour la santé peut être évalué sur la base de seuils génériques d'exposition humaine à des substances chimiques (valeurs TTC). Des valeurs TTC ont été déterminées pour des substances présentant une structure chimique et une probabilité de toxicité similaires, sur la base des nombreuses données toxicologiques publiées. En adoptant une approche conservatrice (prudente), les structures chimiques ont été groupées en trois grandes catégories: toxicité faible, modérée et élevée. Les substances sont évaluées en comparant la valeur TTC appropriée avec des données fiables sur l'exposition humaine. Si l'exposition humaine à une substance est inférieure à la valeur TTC, la possibilité d'effets nocifs est considérée comme très faible.
L'avis sur l'approche TTC se penche sur la pertinence et la fiabilité des fondements scientifiques qui étayent cette approche et sur son application possible aux travaux scientifiques de l'EFSA. Il conclut que l'approche constitue un outil de filtrage utile pour les substances dont la structure chimique est connue, lorsque les données de toxicité sont rares ou inexistantes mais que l'on sait que l'exposition est faible. Le recours à l'approche TTC doit absolument s'appuyer sur des estimations fiables de l'exposition humaine et dont on est certain qu'elles ne sont pas sous-estimées. L'avis recommande une utilisation élargie de l'approche TTC dans la mesure où elle pourrait contribuer à diminuer l'utilisation superflue d'animaux dans les tests de toxicité.
PAN-Europe et Générations Futures dénoncent le fait que cet outil n'est pas sûr et qu'il est fixé de façon arbitraire, et non sur la base de preuves scientifiques. Pour eux :
· Le seuil TTC est calculé en utilisant des données obsolètes émanant de l'industrie. Les produits chimiques les plus toxiques sont retirés de la base de données, permettant ainsi de déclaré qu'une forte dose de produit est sans danger.
· L'approche TTC ne tient pas compte des découvertes scientifiques indépendantes sur les effets nocifs à des doses plus faibles et ne peut pas protéger les groupes vulnérables comme les enfants.
· L'approche TTC est un moyen de garder les produits chimiques non testés sur le marché et économiser des millions pour l'industrie en lui permettant d'éviter des essais coûteux.
François Veillerette, porte parole de Générations Futures, déclare à cet effet : « Cette information, reprise par le Canard enchaîné de cette semaine et développée dans le Monde, est au coeur des préoccupations de nos ONG. Car en effet, comment avoir la certitude que l'ensemble des citoyens européens seront protégés des risques sanitaires liés à l'exposition aux multiples substances chimiques présents dans l'alimentation, si les évaluateurs sont cela même qui profitent de la mise sur le marché de ces toxiques présents dans nos assiettes ? (cf. notre rapport de décembre 2010 intitulé « menus toxiques »). Nous conseillons donc fermement à l'EFSA de mettre un terme à la mission du groupe de travail TTC et de retirer toutes les personnes liées à l'industrie ou à l'ILSI de ses comités d'experts, il en va de la confiance des européens pour leurs agences d'évaluation sensées les protéger mais aussi de la crédibilité même de ces agences. »