L'Inserm et l'IRSN viennent, conjointement, de publier une note d'information relative à la publication scientifique concernant les leucémies chez l'enfant autour des centrales nucléaires françaises parue sur le site internet de la revue «International Journal of Cancer» le 4 Janvier 2012.
La revue Journal International du Cancer a publié dans son numéro de janvier l'étude scientifique établissant une corrélation entre la fréquence des leucémies infantiles aigües et la proximité des centrales nucléaires.
Le Dr Jacqueline Clavel, responsable d'épidémiologie environnementale des cancers à l'Inserm, a mis en exergue dans une étude, un "excès de cas" de leucémie chez des enfants de moins de 15 ans vivant autour des 19 centrales nucléaires.
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Sur une période de 6 ans entre 2002 et 2007, il s'avère que 14 cas de leucémie d'enfants ont été signalés dans un rayon de moins de 5 kilomètres |
En effet, selon les études menées, sur une période de 6 ans entre 2002 et 2007, il s'avère que 14 cas de leucémie d'enfants ont été signalés dans un rayon de moins de 5 kilomètres, alors que les taux d'incidence nationaux prédisaient la survenue de 7,4 cas en moyenne.
Ce résultat doit cependant être considéré avec prudence pour plusieurs raisons :
· il repose sur un très faible nombre de cas (14 constatés contre 7,4 attendus selon la moyenne nationale), pour une incidence de cette pathologie qui est relativement stable à l'échelle du pays, de l'ordre de 500 cas par an pour la France entière ;
· une étude antérieure réalisée dans le cadre de cette même collaboration Inserm/IRSN sur la période 1990/2001 n'avait d'ailleurs pas montré de tel excès ;
· de plus la recherche d'un lien statistique entre la fréquence des cas et l'exposition de la population aux rejets radioactifs réels dans l'atmosphère autour des centrales nucléaires, en fonction des vents dominants, ne fait pas non plus apparaître d'excès.
· Ceci n'est pas surprenant, car cette exposition est de l'ordre de 1000 fois inférieure à celle qui résulte de la radioactivité naturelle.
· Pour l'IRSN, il n'y a donc pas de conséquences opérationnelles à tirer directement de cette étude, en termes de gestion de risque pour les populations riveraines des sites nucléaires.
La recherche de l'INSERM, intitulée Géocap, inclut les 2 753 cas diagnostiqués dans toute la France entre 2002 et 2007 à partir d'adresses géocodées et situées autour des 19 centrales françaises.
Dans l'étude épidémiologique, l'IRSN estime que ce signal statistique, qui rejoint d'autres de nature comparable établis par le passé, et dans d'autres pays, ne doit pas être ignoré, et justifie la poursuite d'investigations scientifiques dans deux directions principales :
· Il s'agit d'abord de permettre la réalisation dans de bonnes conditions d'études épidémiologiques d'ampleur internationale, pour accroître la puissance statistique et donc la représentativité des résultats. Dans cette perspective, un séminaire international de consensus sera organisé mi-2012 conjointement par l'IRSN et BfS (Office Fédéral de Radioprotection Allemand), pour définir une base méthodologique commune pour de futures études des risques à proximité de centrales nucléaires ou d'autres types de sites à investiguer, et plus globalement pour cordonner la recherche sur les facteurs explicatifs des leucémies infantiles, qui restent aujourd'hui largement inconnus. Cette initiative franco-allemande rejoint l'une des conclusions du groupe de travail « Installations nucléaires de base et leucémies de l'enfant », mis en place par l'ASN et dirigé par le Pr Sommelet.
· Par ailleurs, l'effort de recherche sur les effets sanitaires des faibles doses de rayonnements ionisants doit être amplifié, car il subsiste aujourd'hui trop d'inconnues dans ce domaine pourtant très sensible pour la société. En effet, si le système international de radioprotection en vigueur notamment en France est suffisamment performant pour susciter une optimisation continue visant à réduire autant que possible les expositions aux rayonnements ionisants, son fondement scientifique pour les très faibles expositions reste lacunaire, notamment en termes de compréhension des phénomènes biologiques en jeu. Il s'agit là aussi d'un enjeu de dimension internationale, qui nécessite l'engagement de moyens significatifs, et des approches de recherche concertées, innovantes et multidisciplinaires. C'est la raison pour laquelle a été récemment créée au niveau européen la plateforme de recherche MELODI (Multidisciplinary European Low Dose Initiative). Cette plateforme, qui regroupe les principaux organismes européens disposant de moyens de recherche dans ce domaine, a pour missions d'élaborer et maintenir un agenda stratégique européen de recherche sur les effets des faibles doses de rayonnements ionisants pour orienter, coordonner et intégrer les efforts des différents acteurs en Europe, de conseiller les institutions européennes en matière de radioprotection, et de dialoguer avec les institutions en charge de ces sujets aux Etats Unis et au Japon notamment. L'IRSN, dont les laboratoires de recherche (dosimétrie, radiobiologie, épidémiologie) sont d'ores et déjà fortement impliqués, est un acteur majeur de MELODI et compte accroître son effort dans ce domaine au cours des prochaines années.
De son côté, le réseau « Sortir du nucléaire (SDN) » a salué la publication de ces résultats. Selon l'association, l'étude confirmerait également celle menée en Allemagne par le Registre des Cancers de Mayence en 2008, qui avait abouti à la même conclusion. Et de conclure, que « la preuve est encore apportée que, même en situation non accidentelle, la technologie nucléaire n'appartient plus à un monde civilisé. »