Enfin, les victimes de la crise nucléaire qui a frappé le Japon en mars dernier peuvent demander compensation. Et elles sont furieuses d'avoir à accomplir des formalités compliquées pour ne recevoir qu'une aide de base alors qu'elles n'ont toujours pas retrouvé des conditions de vie « normales » après le terrible tsunami et le séisme qui ont provoqué la pire catastrophe nucléaire en 25 ans dans le monde.
Près de 80 000 individus ont été obligés d'abandonner leurs maisons près de la centrale nucléaire suite à l'incident.
« Nous ne savons pas qui nous pouvons croire ». « Pouvons nous retourner chez nous ? Et si non, pouvez vous nous garantir un moyen de survie ? » s'interroge un homme dans un complexe de logement temporaire.
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Près de 80 000 individus ont été obligés d'abandonner leurs maisons près de la centrale nucléaire suite à l'incident.  |
Tandis que la compagnie propriétaire de la centrale, Tokyo Electric Power Co, a fait des paiements temporaires pour certaines victimes, il a fallu attendre le mois dernier pour qu'elle accepte les demandes de compensation des victimes.
Mais la procédure est tellement compliquée que cela ne fait qu'empirer les choses pour la plupart d'entre elles.
Après que les plaignants aient lu un manuel d'instruction de 160 pages, ils doivent ensuite remplir un formulaire de 60 pages et y joindre leurs factures pour le transport, les coûts médicaux et autres dépenses liées à la crise nucléaire.
« C'est trop difficile. Je vais voir comment cela se passe. Je ne veux pas me précipiter » a déclaré Toshiyuki Owada, une évacuée de la ville de Namie, à environ 20 kilomètres de la centrale.
Toshiyuki Owada est l'une des nombreuses personnes qui n'a pas encore demandé compensation bien qu'elles aient perdu leur travail ou leur commerce et qu'elles manquent d'argent.
La complexité de la tâche est dissuasive. Par ailleurs, beaucoup trouvent que TEPCO ne joue pas franc jeu. La confiance de la population dans le gouvernement est très faible, et beaucoup considèrent que sa réponse tardive à la crise est responsable de l'ampleur qu'a prise la catastrophe.
Tepco est accusée d'avoir échoué à prendre des mesures de sûreté suffisantes à la centrale de Fukushima bien qu'elle savait les risques et a ensuite délibérément minimiser l'ampleur de l'accident.
Un comité du gouvernement supervisant les procédés de compensation estime que les demandes devraient atteindre 46,5 milliards de dollars pour l'année financière mars 2011-mars 2012.
Cependant, jusqu'à présent, seuls 7100 individus ont demandé à Tepco compensation sur les 80 000 personnes ayant reçu un formulaire.
Par ailleurs, des 10 000 entreprises situées dans la zone de Fukushima, près de 300 seulement ont soumis une demande de compensation.
La compagnie s'attend à un total de 300 000 demandes de la part des entreprises étant donné l'impact tellement étendu de la crise nucléaire.
Les victimes peuvent porter plainte devant un tribunal mais cela arrive rarement.
Junichi Matsumoto, un responsable de Tepco, a déclaré que la compagnie avait dû gérer 10 procès jusqu'à présent.
Yuichi Kaido, un avocat japonais a déclaré que les procès étaient considérés comme une solution de dernier recours au sein de la population rurale conservative du nord-est du Japon.
« De nombreux procès pourraient cependant avoir lieu » a-t-il indiqué. « Mais la majorité pense d'abord à parler à Tepco ou à demander compensation » a-t-il ajouté.
La compensation finale dépend de si et quand les victimes seront capables de retourner chez elles dans la zone d'évacuation de 20 kilomètres. Cette question reste sans réponse, ce qui suscite un sentiment croissant de résignation au sein de la population.
Beaucoup disent qu'ils ne savent pas s'ils pourront jamais revenir chez eux un jour et suggèrent que leurs villes entières soient reconstruites ailleurs. Beaucoup s'inquiètent aussi des conséquences sur leur santé de l'exposition aux radiations.