L'Institut de Radiologie et sureté nucléaire (IRSN) vient de publier une estimation des doses reçues au Japon par irradiation externe due aux dépôts radioactifs provoqués par l'accident de la centrale de Fukushima-Daiichi 12 avril 2011.
Selon les dernières informations dont il dispose sur les dépôts radioactifs formés dans l'environnement de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi et leurs conséquences dosimétriques pour la population vivant dans les territoires contaminés, l'IRSN a pu établir les conclusions suivantes :
Pendant toute la durée des rejets atmosphériques de la centrale de Fukushima-Daiichi et jusqu'à dissipation complète du panache radioactif provoqué par l'accident, une partie des radionucléides (sous formes d'aérosols ou de gaz solubles dans l'eau) se sont déposés au sol, selon deux processus complémentaires :
 |
L'Institut de Radiologie et sureté nucléaire (IRSN) vient de publier une estimation des doses reçues au Japon par irradiation externe due aux dépôts radioactifs provoqués par l'accident de la centrale de Fukushima-Daiichi 12 avril 2011 |
· le dépôt sec, qui se forme sur toutes les surfaces au sol au contact des particules radioactives de l'air. Il est d'autant plus important que la concentration des radionucléides dans l'air est élevée et que la pollution de l'air se prolonge dans le temps ;
· le dépôt humide qui se forme uniquement si des précipitations pluvieuses ou neigeuses ont lieu. Il peut être beaucoup plus important que le dépôt sec formé au même endroit, car les gouttes de pluie ou les flocons concentrent les particules radioactives de l'air et les ramènent au sol. Une partie de ce dépôt humide reste sur place, là où il s'est formé, mais une autre partie peut ruisseler en surface et rejoindre les cours d'eau.
Les dépôts radioactifs sont constitués de radionucléides présents dans l'air sous forme de fines particules (aérosols) ou de gaz solubles dans l'eau (iode). Il s'agit principalement :
· 'iode radioactif (iode 131, iode 132) ;
· de césium radioactif (césium 137, césium 134 et césium 136) ;
· de tellure 132, dont la désintégration radioactive produit l'iode 132 évoqué ci-dessus ;
· du baryum 140, dont la désintégration radioactive produit du lanthane 140 également radioactif.
« Ces radionucléides émettent des rayonnements gamma qui contribuent à l'augmentation du débit de dose ambiant. Cette augmentation a été graduelle, en fonction des épisodes de rejets successifs et des conditions de dépôt, comme l'illustre le graphique ci-après pour le débit de dose ambiant mesuré à Ibaraki », note l'IRSN dans son bulletin.
Dès que le dépôt s'est formé, c'est-à-dire entre le 12 et le 21 mars selon le lieu au Japon, les personnes résidents sur les territoires concernés ont un risque d'exposition selon deux voies principales:
· la contamination interne par ingestion de denrées issues de cultures locales, principalement les légumes à feuilles et le lait frais ;
· l'exposition externe au rayonnement émis par le dépôt.
· Secondairement, il existe un risque d'ingestion involontaire de particules radioactives non fixées sur les surfaces (dépôt labile).
Par ailleurs, prenant compte des résultats de mesures du débit de dose effectuées il y a quelques jours par un aéronef américain (DOE/NNSA), l'IRSN a évalué la dose susceptible d'être reçue pendant la première année par la population locale en raison de l'irradiation externe due à l'exposition aux radionucléides d'ores et déjà déposés sur le sol, peut on lire dans un communiqué de presse.
Pour effectuer cette évaluation, la décroissance du débit de dose mesuré par l'aéronef américain au cours du temps a été estimée en calculant, à l'aide de la modélisation du rejet radioactif réalisée par l'IRSN, les différents types d'éléments radioactifs rejetés et leurs répartitions respectives au cours du temps. La dose reçue par une personne située toute l'année dans la zone est ensuite calculée en intégrant heure par heure le débit de dose sur l'ensemble de l'année. A l'aide d'un coefficient de pondération, un effet de protection radiologique des habitations pendant 50% du temps a été considéré.
« Compte tenu de la présence prépondérante de radionucléides de période radioactive courte (quelques jours), l'essentiel des doses dues à l'irradiation externe par le dépôt est reçu au cours des premières semaines suivant la formation du dépôt. Le débit de dose ambiant dû au dépôt radioactif diminue régulièrement en quelques semaines ; dans quelques mois, ce sont principalement les césiums 137 et 134 qui contribueront au rayonnement ambiant, à un niveau plus faible qu'aujourd'hui », note l'IRSN.
Les accidents nucléaires de Fukushima au Japon font partie des conséquences du tsunami engendrées par le séisme du 11 mars 2011, de magnitude 9,0, qui a dévasté le nord-est de l'île de Honshū. Le séisme a entraîné un arrêt automatique des réacteurs en service, et à la suite du tsunami, les groupes électrogènes de secours sont tombés en panne, ce qui a causé l'arrêt du système de refroidissement des réacteurs nucléaires et de celui des piscines d'entreposage des combustibles irradiés. Le défaut de refroidissement des réacteurs a causé des fusions partielles de c'ur dans plusieurs réacteurs, puis des ruptures de confinement. Les experts pensent que le combustible contenu dans les réacteurs 1, 2 et 3 et les barres de combustible usé se trouvant dans la piscine du réacteur 4 ont vraisemblablement commencé à fondre dans les heures qui ont suivi le tsunami, dégageant des rejets radioactifs.
Ces accidents nucléaires concernent surtout la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, dont trois des six réacteurs ont subi des fusions partielles de c'ur, et dont toutes les piscines d'entreposage des éléments nucléaires irradiés ont subi un défaut de refroidissement. La centrale voisine de Fukushima Daini ainsi que la centrale nucléaire d'Onagawa ont aussi été endommagées.
L'ensemble de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi devrait être condamné, ce qui en fait le plus important des accidents nucléaires devant l'accident nucléaire de Tchernobyl en termes de conséquences techniques.
Le 24 mars 2011, l'accident a d'abord été classé de « niveau 5 » sur l'échelle INES par les autorités nationales japonaises. Le 12 avril, elles déclarent à titre provisoire l'accident de « niveau 7 » (le plus élevé de l'échelle INES), ce qui le place au même degré de gravité que la catastrophe de Tchernobyl de 1986, compte tenu du volume important des rejets : les rejets d'iode 131 et de césium 137 sont estimés par l'IRSN le 22 mars 2011 à environ 10 % des rejets de la catastrophe de Tchernobyl), chiffre finalement confirmé par les autorités japonaises. Le niveau doit encore faire l'objet d'une évaluation définitive par un comité de l'AIEA.
La région qui entoure la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, dans le nord-est du Japon, pourrait être inhabitable pendant dix ou vingt ans, a déclaré ce mercredi un conseiller du gouvernement du Premier ministre Naoto Kan.
« On ne pourra pas vivre là-bas pour le moment. Ça pourrait durer entre dix et vingt ans », a déclaré à plusieurs médias japonais Kenichi Matsumoto, conseiller au secrétariat du cabinet de M. Kan.