Aphekom (Improving Knowledge and Communication for Decision Making on Air Pollution and Health in Europe) apporte un nouvel éclairage sur les effets sanitaires et économiques de la pollution urbaine en Europe
Le projet Aphekom vient de rendre public, aujourd'hui, les résultats de trois années de travaux sur les impacts sanitaires de la pollution atmosphérique en Europe et conclut :
· diminuer davantage les niveaux de particules fines dans l'air des villes européennes entraînerait un bénéfice non négligeable en termes d'augmentation de l'espérance de vie et de réduction des coûts pour la santé ;
· habiter à proximité du trafic routier augmente sensiblement la morbidité attribuable à la pollution atmosphérique.
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L'étude du programme établit clairement le lien entre la pollution de l'air et le développement de l'asthme chez les enfants |
Le projet Aphekom s'est déroulé de juillet 2008 à mars 2011. Il a été co-financé par le programme européen d'action communautaire dans le domaine de la santé publique (2003-2008) (Convention de subvention No. 2007105) et par les nombreux organismes locaux et nationaux qui ont dédié des ressources à l'accomplissement du projet. La surveillance en santé environnementale reste au coeur des préoccupations de l'Institut de veille sanitaire depuis sa création il y a 13 ans.
Ainsi, ce projet, coordonné par l'Institut de veille sanitaire (InVS) et mené dans 12 pays européens par plus de 60 scientifiques, met ses résultats et ses outils à disposition des décideurs pour les aider à formuler des politiques locales, nationales et européennes plus efficaces. Il apporte des éléments aux professionnels de santé pour mieux conseiller les personnes vulnérables, ainsi qu'à l'ensemble des citoyens afin qu'ils puissent mieux protéger leur santé.
L'étude du programme établit clairement le lien entre la pollution de l'air et le développement de l'asthme chez les enfants. Elle confirme également le rôle de cette pollution en ce qui concerne les maladies cardiaques et pulmonaires chez les adultes. L'étude démontre clairement l'accroissement de ce type de maladies chez les sujets habitants à proximité d'une grande voie urbaine (10 000 véhicules / jour).
Quelque vingt-cinq grandes villes européennes de douze pays (dont Paris, Bordeaux, Lille, Strasbourg, Toulouse, Athènes (Grèce), Londres (Grande-Bretagne) et Bucarest (Roumanie)), représentant un total de trente-neuf millions d'habitants ont été passées au crible, et d'après les soixante experts « diminuer davantage les niveaux de particules fines dans l'air (desdites villes) entraînerait un bénéfice non négligeable en termes d'augmentation de l'espérance de vie et de réduction des coûts pour la santé », relaie l'INVS sur son site Internet.
Les principaux enseignements du projet Aphekom sont présentés et discutés ce jour lors de la réunion finale à laquelle assistent de nombreux acteurs de l'environnement et décideurs européens, peut on lire dans un communiqué de presse.
La pollution de l'air, provoquée par des polluants dits atmosphériques est plus délicate à réglementer efficacement dans un cadre local ou national que beaucoup d'autres formes de pollutions (de même pour les pollutions marines). Des conventions mondiales concernent les polluants destructeurs de la couche d'ozone ou les gaz à effet de serre, tous capables de modifier le fonctionnement planétaire du monde vivant. Elle intègre la pollution biologique induite par des taux anormaux ou anormalement allergènes de microbes, virus, pollens ou de spores fongiques. Les effets allergènes (rhinite, conjonctivite, asthme) de ces particules biologiques sont en augmentation, et ils semblent souvent exacerbés par les polluants urbains.
Ainsi, selon le projet, une politique plus ambitieuse en matière de lutte contre les rejets carbone dus aux transports pourrait en outre atténuer cette triste et implacable réalité selon laquelle « habiter aux abords du trafic routier augmente sensiblement la morbidité attribuable à la pollution atmosphérique ». Cette proximité serait « un facteur majorant dans le développement des pathologies chroniques », et dans dix métropoles elle « pourrait être responsable d'environ 15 % des asthmes de l'enfant ».
Voici la méthodologie : En s'appuyant sur des méthodes classiques, l'évaluation de l'impact sanitaire dans 25 grandes villes européennes montre que l'espérance de vie pourrait augmenter jusqu'à 22 mois pour les personnes âgées de 30 ans et plus (en fonction de la ville et du niveau moyen de pollution), si les niveaux moyens annuels de particules fines PM2,5 étaient ramenés au seuil de 10 microgrammes par mètre-cube, valeur guide préconisée par l'OMS, peut on lire dans un communiqué de presse.
« D'un point de vue économique, le respect de cette valeur guide se traduirait par un bénéfice d'environ 31,5 milliards d'euros (diminution des dépenses de santé, de l'absentéisme, et des coûts associés à la perte de bien-être, de qualité et d'espérance de vie) », note le projet.
Pour José Cambou, responsable du dossier « Santé et environnement » pour France Nature Environnement : « Il est indispensable de tenir compte de cet enjeu économique aussi bien en ce qui concerne la révision prochaine de plans de déplacement urbain, l'élaboration des schémas régionaux climat-air-énergie que dans le cadre des futurs projets d'infrastructures linéaires. »
En effet, France Nature Environnement insiste sur la nécessité de développer les transports en commun pour réussir à diminuer le parc automobile en circulation dans les grandes agglomérations. La réduction de la pollution passe également par une politique volontariste en ce qui concerne la place du fret. Celle-ci ne sera rendue possible que par le développement de plateformes de logistique urbaine améliorant considérablement la desserte des agglomérations, notamment par des véhicules de livraison électriques.
Par ailleurs, à l'aide de méthodes innovantes, Aphekom a montré qu'habiter à proximité du trafic routier est un facteur majorant dans le développement de pathologies chroniques.
Péages urbains, circulation alternée, développement de la mobilité durable à travers la construction de nouvelles infrastructures type Autolib et la généralisation des systèmes de location de vélos en libre-service, promotion des véhicules décarbonés et de l'auto-partage : les pistes ne manquent pas pour assainir l'atmosphère des villes. Cette fois encore la volonté politique déterminera en grande partie la situation future.
D'après les résultats d'Aphekom, il apparaît que la législation européenne visant à réduire les niveaux de soufre dans les carburants s'est traduite par une diminution marquée et pérenne des niveaux de dioxyde de soufre (SO2) dans l'air ambiant. Cette mesure a permis de prévenir près de 2 200 décès prématurés, dont le coût est estimé à 192 millions d'euros dans les 20 villes étudiées.