Les ventes de voitures diesel ont connu un boom en Europe ces dernières années, notamment grâce à leur moindre consommation en carburant et du coût compétitif de ce dernier. Or en 2008 les prix à la pompe du gazole commencent à atteindre ceux de l'essence.
Le boom du diesel a finalement fait monter le prix du gazole sur les marchés internationaux, neutralisant son avantage fiscal. Comment vont réagir les automobilistes européens face à cette nouvelle situation ? Quelles seront les réponses des constructeurs automobiles ? Le groupe pétrolier Total propose quelques éléments de réponse.
« Les automobilistes européens ont vécu ce printemps la fin d'une histoire qui semblait pourtant être gravée dans le marbre : le gazole, regardé pendant des décennies comme le carburant moins cher a rattrapé le prix à la pompe de l'essence.
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C'est au 150.000ème kilomètre, c'est-à-dire très tard, que le propriétaire d'un diesel aura « remboursé », par ses gains en carburants, le différentiel à l'achat avec une petite cylindrée à essence, estime le groupe Total.  |
Les polémiques déclenchées par ce phénomène ignorent souvent une réalité économique : les prix sont déterminés en grande partie par l'équilibre entre l'offre et la demande, et c'est le consommateur qui, par ses choix et ses comportements collectifs, détient les clés de l'avenir.
D'un côté, il y a une explosion de la demande. La libéralisation des marchés dans le monde a fait exploser le nombre de camions sur les routes européennes, qu'il s'agisse d'échanges intra-communautaires ou de la ventilation dans tout l'espace européen des millions de conteneurs qui débarquent sur les côtes en provenance d'Asie ou du reste du monde.
Les moteurs diesel, consommateurs de gazole, ont également séduit les propriétaires de véhicules légers, attirés par l'économie de consommation et le prix inférieur à la pompe, en tout cas ces dernières années.
En plus, la croissance mondiale du trafic aérien fait monter la demande de kérosène, tiré de la même tranche de produits raffiné que le gazole et le fuel domestique.
Tous les grands pays européens sont aujourd'hui majoritairement "diesel". Les moins sensibles, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, ont un gazole qui représente respectivement 53 % et 54 % du marché des carburants. A l'autre bout, la France, l'Espagne, le Luxembourg et la Belgique ont des taux de 76 %, 78 %, 80 % et plus.
Les gouvernements ont accéléré le mouvement en installant des politiques de taxes favorables au gazole. Très logiquement, les motoristes européens ont alors misé sur le diesel. Depuis 1990, date à laquelle les courbes de l'essence et du gazole se sont croisées, la demande de gazole routier a doublé, alors que celle de supercarburants a baissé de moitié. En France, en 2007, près de 80 % des véhicules neufs ont été équipés de moteurs diesel.
Or, de l'autre côté, il y a un essoufflement de l'offre. Les raffineries européennes ont du mal à suivre. Classiquement, elles produisent 1/3 d'essence, 1/3 de kérosène et de gazole et 1/3 de fuels lourds. Dans son ensemble, l'Europe connaît aujourd'hui un excédent de sa production de produits raffinés ce qui exclut pratiquement la construction de nouvelles unités, comme le réclament certains.
Certaines raffineries ont pu augmenter la production de gazole en « craquant » davantage de fuels lourds ou en désulfurant du fuel domestique, mais ont dû pour cela engager des investissements importants. Ces nouveaux procédés sont également consommateurs d'énergie et d'hydrogène entraînant une augmentation des coûts de raffinage.
Malgré cela le déséquilibre persiste et l'Europe continue à importer du gazole et à exporter les quantités d'essence devenues excédentaires principalement en direction des Etats-Unis. Les cotations du gazole sur les marchés se sont accrues et le prix à la pompe du gazole s'est rapproché de celui de l'essence super, malgré la fiscalité plus avantageuse.
Une demande qui s'envole pour un produit spécifique, une offre qui peine. Devant les commissions de l'Assemblée nationale française, Christophe de Margerie, Directeur Général de Total, l'a rappelé : « Cela fait pourtant cinq ans que nous expliquons, en vain, que poursuivre le tout-diesel sans se préoccuper de l'offre de gazole, c'est aller droit dans le mur ! ».
Que peut-il se passer dans les années qui viennent ? En économie de marché classique, le rééquilibrage devrait être mécanique : la hausse de prix devrait en théorie provoquer un ralentissement de la demande. Mais en la matière les arbitrages sont beaucoup plus complexes.
Le transport routier, qui consomme les deux-tiers du gazole, ne paraît pas susceptible de décroître dans un avenir proche. Dans les véhicules légers, le propriétaire d'une voiture diesel, qui paye plus cher à l'achat de son véhicule, devrait certes s'interroger sur l'amortissement de son choix de départ.
Pourtant, les aides fiscales restent souvent tentantes et rouler en diesel et assure encore une économie de consommation d'au moins 15% par rapport à une voiture à moteur à essence. Une marge très intéressante, surtout si l'on roule beaucoup et à bord d'une grosse cylindrée.
Dans les petits modèles, les moteurs à essence s'améliorent beaucoup, en même temps que les super-carburants. Résultat : selon une étude récente, c'est au 150.000ème kilomètre, c'est-à-dire très tard, que le propriétaire d'un diesel aura « remboursé », par ses gains en carburants, le différentiel à l'achat avec une petite cylindrée à essence. C'est donc la vitesse du progrès de l'efficacité de ces petits moteurs à essence qui permettra, peut-être, de détendre le déséquilibre gazole-essence.
Restent bien sûr les perspectives difficiles à prévoir mais décisives de l'innovation technologique. Voitures hybrides (carburant + électricité), véhicules « tout-électrique », voitures à gaz, moteur à hydrogène font que le jeu offre-demande en essence et en gazole n'est pas « à somme nulle ». »