Une étude menée par le groupe de Marc Lecuit (Avenir Inserm/Groupe Microorganismes et Barrières de l'hôte de l'Institut Pasteur), au sein de l'unité Inserm U604 dirigée par Pascale Cossart, a permis de découvrir comment la bactérie responsable de la listériose (Listeria monocytogenes) est capable de traverser le placenta de la femme enceinte pour provoquer des infections graves - voire mortelles - du foetus, des naissances prématurées et des infections chez le nouveau-né.
C'est la première fois que le mécanisme moléculaire permettant à une bactérie pathogène de franchir le placenta in vivo est ainsi découvert. Ces travaux sont publiés le 17 septembre dans la revue Nature.
La listériose est une infection bactérienne d'origine alimentaire causée par Listeria monocytogenes. Largement répandue dans la nature (eau, sol, végétaux, animaux) cette bactérie peut contaminer de nombreux aliments : légumes crus, plats cuisinés prêts à la consommation, fromage, charcuterie et menace en premier lieu les femmes enceintes, les enfants à naître et les nouveau-nés. Les personnes âgées et immunodéprimées sont également des sujets à risque.
Chez ces derniers la listériose est responsable de septicémies, de méningites et d'encéphalites. L'antibiothérapie est dans la plupart des cas efficace mais l'infection reste mortelle chez 20 à 30% des individus infectés.
Chez l'adulte sain, les symptômes sont en général moins graves et peuvent se traduire par une simple gastro-entérite.L'infection débute par l'ingestion d'aliments contaminés par Listeria monocytogenes, qui peut ensuite traverser la barrière intestinale et atteindre la circulation sanguine.
La bactérie est alors capable de passer la barrière séparant les vaisseaux sanguins du cerveau (barrière hémato-encéphalique) ou de traverser le placenta pour atteindre le foetus chez la femme enceinte.
Marc Lecuit, Pascale Cossart et leurs collègues de l'Institut Pasteur, de l'Inserm et de l'INRA viennent de mettre au point les deux premiers modèles animaux de listériose humaine permettant d'étudier le franchissement placentaire in vivo : la gerbille, un rongeur naturellement sensible à Listeria monocytogenes, et une nouvelle souris génétiquement modifiée par « knock-in ».
Cette souris exprime une protéine humaine d'adhérence présente à la surface des cellules épithéliales : la E-cadhérine. Grâce à ces deux modèles animaux, les chercheurs ont pu mettre en évidence que deux protéines de la Listeria appelées InlA et InlB, interagissent avec des récepteurs spécifiques, respectivement la E-cadherine et Met, qui, leur permettent de se coller au placenta et de le traverser.
Si les chercheurs avaient précédemment étudié in vitro les interactions de ces protéines avec leurs récepteurs et montré en 2001 comment la Listeria franchissait la barrière intestinale, c'est la première fois que le mécanisme moléculaire permettant à une bactérie pathogène de franchir la barrière placentaire in vivo est découvert.
Ces travaux permettent de mieux comprendre le pouvoir pathogène de Listeria monocytogenes et d'envisager des molécules capables d'empêcher Listeria d'atteindre le foetus. La compréhension du mécanisme de franchissement du placenta pourrait également permettre de délivrer des molécules thérapeutiques passant à travers celui-ci.
Parallèlement à ces travaux, les équipes de Marc Lecuit et Pascale Cossart travaillent ensemble à la compréhension du mécanisme de franchissement de la barrière hémato-encéphalique par Listeria monocytogenes. Leur hypothèse de travail est que ces mêmes protéines pourraient également jouer un rôle dans l'infection du système nerveux central. Source : INSERM