Réagissant à l'appel lancé la semaine dernière par une vingtaine de cancérologues, qui rappelaient la dangerosité potentielle des téléphones portables et dressaient une liste de dix recommandations à suivre par mesure de précaution, l'Académie Nationale de Médecine (ANM) a publié un communiqué mardi pour temporiser la polémique.
En précisant « que la médecine n'est ni de la publicité ni du marketing, et qu'il ne peut y avoir de médecine moderne que fondée sur les faits », l'ANM souhaite rappeler que des études comme celles publiées la semaine dernière par les cancérologues sont nombreuses et ne peuvent pas être fiables à 100% dans la mesure où plusieurs facteurs viennent fausser les résultats.
L'ANM dénonce donc un coup de pub de la part des scientifiques en question, et s'insurge contre une dramatisation des dangers relançant ainsi la polémique autour du principe de précaution.
Ainsi, « la plupart des études épidémiologiques antérieures apportent en réalité peu d'informations en raison d'une faible puissance statistique (peu de cas de la pathologie suspectée), d'un faible recul dans le temps (la plupart des cancérogènes connus ont des délais d'action d'environ 10 à 15 ans) et surtout, du fait de la difficulté principale des études cas-témoins, d'incertitudes importantes sur les expositions ».
En effet, les personnes interrogées sur la fréquence d'utilisation de leur téléphone portable ont parfois du mal à se souvenir quel usage elles faisaient de leur téléphone cinq ou dix ans auparavant.
C'est pourquoi d'après l'ANM, l'appel lancé par les cancérologues la semaine dernière est exagéré et prématuré, étant donné qu'aucune étude fiable n'a pu établir la dangerosité du téléphone portable.
C'est la raison pour laquelle une vaste étude internationale, baptisée Interphone, a été lancée dans 13 pays. Selon l'ANM, Interphone aura une puissance statistique importante puisqu'elle reposera sur 6600 cas de tumeurs (2700 gliomes, 2400 méningiomes, 1100 neurinomes de l'acoustique et 400 tumeurs de la parotide).
Certains résultats partiels de ces études ont déjà été publiés au Danemark, la Suède, en Norvège, au Japon, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France. D'après ces premiers résultats, l'utilisation du téléphone portable ne semble pas faire augmenter le risque de neurinomes de l'acoustique, ni de méningiomes, ni de gliomes.
Ainsi, selon l'ANM, il est inutile d'inquiéter l'opinion sur l'utilisation du téléphone portable tant qu'aucune étude n'aura pu établir de façon certaine la dangerosité du téléphone portable.
« On ne peut pas raisonnablement affirmer qu'un risque existe qu'il favorise l'apparition de cancers en cas d'exposition à long terme et, en même temps, qu'il n'y a pas de preuve formelle de la nocivité du portable » explique l'ANM dans son communiqué, en faisant référence à l'appel lancé par les cancérologues.
Dans cette même optique, il est prématuré de transformer le principe de précaution « en machine alarmiste, surtout quand plusieurs milliards de portables sont utilisés dans le monde sans conséquences sanitaires apparentes depuis 15 ans ».
L'ANM recommande toutefois, « d'évaluer sérieusement les risques régulièrement évoqués, en privilégiant dans chaque cas une grande étude inattaquable sur sa méthodologie » ; « de privilégier les études de cohorte » et « de mettre systématiquement à la disposition de la communauté scientifique les données de base des études épidémiologiques, après un délai raisonnable pour ne pas priver ses auteurs de la priorité de leurs publications, afin de pouvoir faire l'analyse pertinente de leur fiabilité ».